Le Film Français : interview d’Eric Raguet

LE FILM FRANCAIS – N° 3909 du 1er mai 2020

ACTUALITÉS

[Exploitation]

 LES ITINÉRANTS DANS L’EXPECTATIVE

Éric Raguet, vice-président de l’Association nationale des cinémas itinérants (Anci), évoque les nombreuses interrogations de ses adhérents autour de la reprise.KEVIN BERTRAND

Au regard des spécificités des circuits itinérants, comment appréhendez-vous la reprise ?

Elle nous paraît compliquée. Démarrer avec une activité ralentie serait très difficile, car nous ne pourrons plus probablement prétendre au chômage partiel. Le risque, c’est que certains circuits se concentrent sur les points de projection les plus importants pour être sûrs de faire un peu d’entrées, quitte à délaisser les autres. Nous avons également des inquiétudes, pour la rentrée, sur les dispositifs scolaires d’éducation à l’image, très importants pour les itinérants. Plus largement, j’identifie deux niveaux de réflexion. D’abord, la reprise en “cinéma classique”, dans les salles des fêtes, les salles polyvalentes… Celles-ci sont souvent liées aux mairies, dont nous dépendons donc beaucoup. Or certains maires pourraient décider, afin de ne pas prendre de risques, de ne pas rouvrir les équipements municipaux dès qu’ils en auront l’autorisation. C’est une véritable interrogation. En revanche, sur le plan purement “technique” (mettre à disposition du gel hydroalcoolique, fabriquer du matériel pour protéger les spectateurs de la caisse…), nous ne nous faisons pas trop de soucis. Nous avons l’habitude d’être réactifs, d’installer du matériel en très peu de temps.

Quid des mesures de distanciation sociale qui devraient être imposées aux salles ?

Sur les lieux où nous intervenons, nous sommes capables d’instaurer des distances minimales entre les spectateurs assez facilement car, souvent, nous disposons nous-mêmes les fauteuils. Le principe de distanciation sociale est donc relativement acceptable pour nous.

Vous évoquiez vos inquiétudes concernant les mairies. Les avez-vous partagées avec elles ?

Nous venons d’envoyer des courriers à l’Association des maires de France et à l’Association des maires ruraux de France, et avons alerté la FNCF. Le sujet est d’autant plus capital que les salles fixes (municipales, en DSP…) risquent d’être confrontées à la même problématique. La seule indication que nous avons à ce jour, c’est que plusieurs municipalités ś et associations ś ont appelé des itinérants pour supprimer des séances en plein air. Au-delà des risques d’annulation, se pose la question des conditions d’organisation de tels événements alors que le virus est toujours là. Les spectateurs devront-ils disposer d’un masque? Quelle distance devront-ils respecter? Et, du coup, les organisateurs auront-ils l’envie et le courage de mettre en place des séances en plein air ? C’est d’autant plus important que, pour certains circuits itinérants, le plein air représente plus de la moitié de leurs revenus annuels. Si nous n’arrivons pas à le maintenir cet été, ce sera un véritable choc économique.

Serez-vous d’ailleurs, une fois le confinement levé, autorisés à faire du plein air, quand bien même les cinémas n’auraient pas l’autorisation de rouvrir ?

Je ne peux pas vous répondre pour l’instant… À cette interrogation, s’ajoute la question de l’accès aux films. Si  les salles fixes ne rouvrent pas avant septembre, comment les distributeurs réagiront-ils? Même si une cinquantaine de circuits organisent des plein air cet été, leur livreront-ils des films et des KDM pour « quelques séances”? Par ailleurs, si nous parvenons à les organiser, il faudra à mon sens y associer l’exploitation “classique”, dans une logique de solidarité. On pourrait par exemple, dans les villes où les cinémas n’auraient pas repris leur activité, mettre en place un partenariat avec eux. Une initiative est d’ailleurs en cours d’élaboration en Occitanie. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion – que nous avons partagée avec la FNCF – mais nous sommes prêts à être moteurs de ce type d’expérience.

◗ Depuis la fermeture des salles, on observe un retour en force des drive-in dans le monde. Au regard de votre expertise, pourriez-vous vous y atteler en France ?

Nous avons planché sur les différentes solutions possibles (enceintes extérieures, fréquence radio spéciale, enceintes bluetooth…), mais c’est un peu compliqué en tant qu’itinérants, les contraintes techniques et/ou administratives sont nombreuses.

◗Et dans un lieu unique ?

Nous y avons également réfléchi, mais nous n’avons pas avancé sur le sujet. Il y a trop d’incertitudes pour faire des propositions concrètes.❖

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