“L’Education à l’image, on en parle depuis les années 70 et tout a été dit à défaut d’avoir été fait !”

Tribune publié le 1er novembre 2023 dans Écran total n°1443

Les récentes annonces du Ministère de l’Education Nationale ne sont pas de bonnes nouvelles. Pourquoi le monde du cinéma doit impérativement agir, aux côtés des enseignants ?
par Rafael Maestro – exploitant [du circuit de cinéma itinérant ciné passion 24 notamment], Vice-président du Festival du Film de Sarlat


Accompagner des élèves dans une salle de cinéma vers des œuvres fait partie de la vie professionnelle de milliers d’enseignants. Cela dure depuis 40 ans, et concerne plus d’un million et demi d’élèves, notamment les plus éloignés des pratiques culturelles. Or, la parution du guide à l’usage du chef d’établissement du Ministère de l’Education Nationale indique la suppression des formations sur le temps d’enseignement des professeurs et la mise en place du pacte de remplacement qui diminuera la présence des classes dans les salles.

La fragilisation significative des dispositifs scolaires d’éducation au cinéma est réelle, alors que l’Éducation Artistique et Culturelle est considérée comme une priorité sur le plan national. Plus d’1,5 million d’élèves, de la maternelle à l’université, fréquentent les cinémas et se forment au 7ème Art et à l’image. Nous devons nous mobiliser pour faire en sorte que demain, ce chiffre augmente considérablement, convaincu de l’effet inverse que la circulaire ministérielle produirait.
La culture à l’école, l’égalité des chances quel que soit son territoire ou son milieu social, sont autant de levier républicain afin que nos lieux de culture accélèrent le nécessaire renouvellement de leurs publics. Au-delà de ces pratiques culturelles collectives, tous les acteurs de la filière considèrent que l’image a envahi nos vies et commence à remplacer, chez les plus jeunes, l’écriture. Sa présence est immense et pas sans danger. Il y a urgence et les chiffres parlent par d’eux-mêmes : Avec en moyenne en France un tiers de notre temps éveillé devant un écran, un enfant à l’école maternelle passe plus de temps devant les écrans qu’en classe. Un écolier de cours élémentaire passe chaque année l’équivalent de deux années scolaires devant les écrans. L’équivalent étant de deux ans et demi pour un lycéen ! Et surtout, voir ensemble n’est plus la norme, la salle de cinéma devient “le truc d’avant”, et l’algorithme devient le pâle prescripteur de nos envies. Ainsi la curiosité s’étiole, l’ouverture au monde et à la tolérance aussi.
La tranche d’âge des 15/25 ans occupe une place centrale dans notre questionnement puisque cette génération est la 1ère à filmer, à publier et à partager des images au quotidien. Il faut prendre en compte ces nouvelles réalités, inventer de nouvelles pratiques qui les “concernent”, mais surtout qui les accompagnent dans leur construction personnelle et citoyenne. Cela ne peut s’envisager qu’au prix d’innovations dans le secteur de la médiation, par un travail collectif et en inscription réelle dans les territoires. Ces politiques éducatives ont de formidables vertus : lutter contre le décrochage scolaire en apportant de nouvelles sources de motivation, travailler à prendre en compte, de façon collaborative, les spécificités du territoire et de son public, relier les actions du temps scolaire à celles du temps libre ; enfin réfléchir, qu’à l’heure de l’accès quasi immédiat à tous les films sur les terminaux numériques… Pour quelle raison se déplace-t-on encore dans les salles ? Indéniablement, pour d’autres raisons que pour simplement voir le film ? pour la valeur- ajouté du lien social, de l’acte volontaire d’éteindre son écran, sortir de chez soi et aller au cinéma.
Le public de demain se construit aujourd’hui, notamment pendant le temps scolaire. Cela requiert la forte volonté de toutes les parties, CNC, Ministère de la Culture, collectivités, … et en premier lieu aujourd’hui de l’Education Nationale. Le dialogue doit porter sur l’adaptation des circulaires ministérielles, mais aussi sur l’articulation du Pass Culture avec ces dispositifs d’éducation, afin d’accompagner des initiatives. L’enjeu est important.


Depuis plus de trente ans, le Festival du Film de Sarlat (du 7 au 11 novembre) est la seule manifestation culturelle à offrir à des lycéens en spécialité cinéma-audiovisuel un programme pédagogique autour des films étudiés pour le bac, le festival accueille chaque année 600 élèves et leurs professeurs.

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